Du moins pour l'instant...
Je ne les verrai plus arroser leurs innombrables plantes en pot disséminées un peu partout.
Je ne les entendrai plus klaxonner en permanence.
Je ne les verrai plus sourire.
Je n'entendrai plus les karaoke à tue-tête au milieu de la campagne ou au coin d'une artère.
Je ne les verrai plus faire leur gymnastique en groupe aux aurores.
Je ne les verrai plus à quatre sur le scooter. Le plus petit enfant s'accrochant au guidon, le second entre les parents, la femme scrutant son phone.
Je ne sentirai plus ces mille odeurs qui vont, qui viennent au gré des courants.
Je ne les entendrai plus monter dans les aigus puis éclater de rire.
Je ne verrai plus ces chiens sans laisse, en bande, faisant leur vie sans trop s'occuper des humains.
Je ne verrai plus ces petites motos chargées d'immenses ballots sillonnant les rues.
Je ne les verrai plus ôter leurs sandales pour entrer dans une boutique.
Je n'entendrai plus ce serveur me chanter, par cœur, « That's the way it is way" de Célin Dion.
Je ne pourrai plus me perdre dans le labyrinthe des quartiers historiques.
Je ne pourrai plus roter bruyamment au restaurant après un bon repas.
Je ne pourrai plus prendre mon café dans une petite ruelle où plusieurs générations d'une seule famille travaillent, bavardent, veillent, jouent, dorment.
Je ne pourrai plus prendre mon repas préparé dans une cuisine ambulante, accroupi sur une minuscule chaise en plastique.
Je ne pourrai plus finir ma soupe en la buvant au bol avec de grands slurps pour montrer ma satisfaction au cuisinier.
Je pourrai marcher à nouveau sur les trottoirs, traverser la route en toute sécurité, sur les passages cloutés.
Je pourrai à nouveau marcher dans la neige.
Je pourrai retrouver Marlène.