Saint Jacques le matamore.
Je suis un pèlerin.
Les marcheurs qui cheminent le long du chemin de Compostelle sont des pèlerins.
Un pèlerin effectue un pèlerinage. C'est à dire, selon Wikipedia, un « voyage, effectué par un croyant, vers un lieu de dévotion, un endroit tenu sacré, supposé contenir une communication directe avec une divinité grâce à une relique ».
Me voilà averti.
Et cette relique, c'est Saint Jacques que l'on surnomme Jacques le matamore.
En espagnol, mata veut dire tuer et more fait référence aux maures, aux arabes musulmans.
Saint Jacques le tueur de Maures.
En gros, je fais un pèlerinage par dévotion pour une tueur de musulmans arabes.
Suis-je vraiment ce pèlerin ?
En fait, Jacques étaient un des douze apôtres. Il a vécu au temps de Jésus puis il est parti évangéliser, notamment en Espagne.
Mais, en l'an 859, un roi des Asturies affirme avoir gagné la bataille de Clavio contre les musulmans parce que Jacques lui est apparu à ses côtés pendant le combat. Cette intervention miraculeuse fait de Jacques le patron de la reconquête de l'Espagne, le matamore.
Mais pour mes compagnons quotidiens du chemin, Saint Jacques est un lieu. Pas une relique. On se dit pèlerin mais on n'a pas l'impression de faire un pèlerinage dans le sens de wikipedia. On fait Compostelle. Nous marchons en direction de l'ouest, vers la Galicie.
Malgré tout, cette idée de Saint Jacques luttant contre les infidèles ressurgit encore de temps en temps :
En 1936, lors de la guerre civile espagnol, Franco et ses troupes évoquaient Saint Jacques pour proclamer leur supériorité contre les républicains qui n'étaient pas trop épris de religion.
En 2003, le quotidien El Mundo écrivait : « les troupes que le gouvernement espagnol a envoyées en Irak défileront en Terre Sainte, avec la croix de Saint Jacques matamore, visible sur les bannières et drapeaux ».
Eh bien, sur ce chemin, je me sens bien. Je marche par monts, par vaux, le long des routes, traversant un village, une ville, un ruisseau. Plusieurs fois par jour en le parcourant, je suis amené à séjourner dans des lieux chargés d'histoire : chapelle, monastère, village médiéval, passage de bac, anciens hôpitaux pour pèlerins.
Ces lieux, souvent magnifiques, silencieux, épurés appellent à un certain recueillement, une certaine contemplation, contemplation du silence, de l'équilibre, de la beauté.
Ces paysages traversés permettent aussi de s'imaginer ces pèlerins, il y a plusieurs siècles, foulant les mêmes travées de nefs, les mêmes pavés, les mêmes sentiers.
Mais pas avec les mêmes souliers !
Décathlon n'existait pas à l'époque ?